J’avais prévu d’intituler ce billet « Portfolio année 1 » mais finalement à bien y réfléchir, c’est davantage un test, un essai clinique que je vais développer ici. Le travail qui va en
résulter est encore immense. Alors 2011/2012, l’année zéro de mon expérimentation d’un portfolio pour le socle commun en mathématiques.
Échantillon du test clinique : Une classe de 3ème. Tous en bonne santé, dans la force de l’âge. Pas de
contre-indication connue, juste quelques petites allergies scolaires pas bien méchantes.
Diagnostic : Le socle commun. Des symptômes connus : un rejet total, des usines à cases, des réunions de fin de
3ème où chacun découvre les items d’un LPC (Livret personnel de compétences) pas très bien fichu… Pourtant l’idée du socle est une vraie chance, le travail par compétences une porte
d’entrée idéale pour la réussite de tous.
Comment faire ? Comment intégrer ce socle au quotidien de la classe ? Comment rendre les élèves partie prenante ? Comment garder des traces pour une réelle mise en œuvre sur les
quatre années du collège (et au-delà) ?
La liste des questions est longue.
Protocole : J’ai donc tenté de mettre en place un portfolio. Cet outil, en vogue au Québec et évoqué dans l’excellent livre d’Annie Di Martino
et Anne Marie Sanchez Socle commun, pratiques pour le collège, me semble approprié pour répondre au diagnostic posé. Il s’agit d’un recueil de
réalisations permettant d’attester le développement de compétences.
Très concrètement, dans notre cas, c’est d’une pochette (qui reste au collège) par élève dans laquelle on glisse des productions, des photos de projets, des bilans d’oraux, des copies de « tâches complexes ». Sur chaque portfolio est collé un petit référentiel de « compétences » mathématiques, avec des lignes vierges pour y ajouter des compétences « hors maths » qu’on pourrait mettre en évidence dans une réalisation (éducation aux médias, développer un propos à l’oral, TICE …).
Lorsqu’une réalisation est réussie (ou partiellement), on peut donc l’intégrer au portfolio en mettant la date à côté des compétences mises en œuvre.
Il ne s’agit pas d’un recueil de copies mais bien de réalisations, ce qui implique qu’on propose des projets, des situations complexes aux élèves. Parfois ça peut prendre la forme d’une copie
mais il faut que dans la réalisation, la place pour l’initiative de l’élève soit avérée. Il s’agit bien de coller à l’esprit du socle et des compétences.
Bilan de l’essai :
C’est très pratique, très ergonomique ! Et surtout beaucoup plus concret qu’une grille ou qu’un livret. Les élèves ont tous pu y glisser des réalisations de formes différentes : tâches
complexes individuelles, diaporama, photos, projets collectifs … Ils ont bien cerné l’enjeu du socle et c’est un grand changement. J’avais le sentiment que c’était « un truc de prof »,
que les élèves n’étaient pas concernés, tout juste au courant qu’il fallait son socle pour avoir son brevet (pour l’année précédente). Le référentiel a été bien intégré par les élèves et la
différence entre les évaluations classiques avec notes et la valorisation de productions dans le portfolio a été bien comprise. Les élèves n’avaient pas besoin de notes pour ces travaux.
Pour le prof que je suis, ce fut une aide lors des fameuses réunions de validation même si le caractère incomplet des portfolios a pu me poser problème à ce moment-là. J’y reviendrai. En tout
cas, cela m’a permis sur des items de dire « Ah mais si j’ai une preuve ! Ne mettons pas non acquis à « développer un propos en public » alors que sur ce travail il a prouvé
qu’il savait le faire et a été brillant ! ».
Mais année zéro quand même, donc la liste des couacs et des choses à améliorer est longue. Je vais probablement en oublier.
Il m’a d’abord été impossible sur la seule année de 3ème de proposer assez de situations susceptibles d’alimenter le portfolio pour couvrir le référentiel. Frustration pour les élèves
et pour moi.
L’appropriation de l’outil par les élèves a été longue. Dans l’idéal absolu, ce sont les élèves qui proposent d’ajouter un élément à leur portfolio. Ce ne fut que rarement le cas et assez tard
dans l’année. Cela dit, c’est arrivé, preuve que sur du moyen terme, l’outil peut vraiment devenir celui de l’élève. Je pense à cette élève qui après avoir brillement réussi un triomino sur le
calcul littéral m’a spontanément demandé de le prendre en photo pour le mettre dans son portfolio. Petite victoire ce jour-là !
J’avais également dans l’idée de terminer l’année par un petit entretien individuel autour de ce portfolio afin que chaque élève puisse présenter les réalisations et expliciter en quoi cela pouvait montrer qu’il était compétent. Je n’ai ni pris le temps, ni trouvé les moyens de le faire dans cette fin d’année chargée. Cet élément me semble pourtant primordial dans la mise en place de cet outil. Cet entretien peut être une ultime manière de travailler et évaluer des compétences présentent dans le LPC : compétences orales, savoir s’autoévaluer, identifier ses points forts…
Extension de l’essai :
Nous avons décidé avec l’équipe de maths du collège de généraliser le portfolio pour la rentrée prochaine à toutes les classes, de la 6ème à la 3ème. Démarrer tôt devrait
permettre de pallier certains manques que nous avons pu constater : un nombre suffisant de réalisations, une meilleure appropriation par les élèves, une vraie continuité tout au long du
collège.
La question de basculer sur un portfolio numérique s’est également posée. J’étais assez convaincu a priori. Mais après avoir présenté l’outil lors d’une formation durant laquelle des collègues
ont été séduit par l’objet physique, la pochette qui grossit…, je suis revenu sur ma position. La question des feuilles de calculs de tableur et de tout ce qui touche à la compétence 4 (TICE) se
pose néanmoins. Il faudra peut être intégrer une petite part de numérique.
L’extension à d’autres matières n’est pas à l’ordre du jour mais nous aimerions embarquer quelques collègues tentés par l’expérience. L’idéal serait que le portfolio soit composé de 7 pochettes
pour les 7 compétences du socle, avec là encore une partie numérique (enregistrement de son pour les langues par exemple). Il faudra alors faire un gros travail pour démontrer l’efficacité de cet
essai.